Un article dans L'ESSOR SAVOYARD - jeudi 03.10.2013, 14:00
La 1ère édition de ce livre s'intitulait alors : « Maman, j'ai commis un crime : je me suis tué.»
Jeannette Diano, son plaidoyer en faveur des malades de schizophrénie
Jeannette Diano a eu le courage de prendre la plume pour exorciser son histoire et aider les autres.
Un drame humain, personnel, un besoin de se livrer, avec les mots pour seules échappatoires, et au bout d'un long chemin, un ouvrage, écrit pour comprendre que la schizophrénie n'est pas un tabou, et que l'idée que l'on se fait de cette maladie dans la vie courante résulte bien trop souvent d'idées reçues, sans fondements.
Paul avait 29 ans lorsqu'il décida, un beau jour de juillet 2009, de mettre fin à ses jours. Atteint de schizophrénie, on le verra, tardivement diagnostiqué, il a souffert mais pas seulement puisque sa famille a eu un lourd fardeau à porter. Méconnaissance troublante autour de ce mal passé dans le langage courant pour symboliser une sorte de folie douce, teintée de dédoublements de personnalité. Car la vérité est bien plus subtile que ces grossières généralités. C'est pourquoi, Jeannette Diano, sa maman, a utilisé ses mots à elle pour en parler, et l'espère-t-elle, banaliser cette maladie psychique aux contours indistincts, par l'entremise d'un livre, "Maman, j'ai commis un crime : je me suis tué".
« J'ai commencé un brouillon au mois d'octobre 2010. Il m'a fallu près d'un an et demi pour aller au bout » confie Jeannette. « Étant d'un naturel assez réservé, j'ai voulu mettre sur un cahier toutes ces émotions enfouies en moi. Ce fut très douloureux au début. » Un exorcisme salutaire. « Il fallait que je raconte son histoire, pour les autres, ceux qui restent. Afin qu'on reconnaisse leur mal, que l'on informe les gens sur cette maladie taboue » .
Seuls 2/1 000
sont dangereux
Paul, qui manifestait quelques troubles plus ou moins visibles, a vu la maladie lui être confirmée à l'adolescence, alors que son entourage croyait encore à une crise propre à cet âge. « La diagnostiquer assez tôt, c'est avoir les meilleures chances de se soigner », dit-elle. Car 15 jours avant le drame, pour deux médecins, Paul allait bien... « J'avais lu un livre de Danielle Steel, dans lequel elle parlait de son enfant, atteint de bipolarité. Ca m'a interpellé, et j'en ai parlé au médecin ».
Les crises commençaient insidieusement par un renfermement, un comportement dépressif, « il avait tendance à se négliger ». Puis à cette mélancolie constante venaient s'ajouter des voix dans sa tête : « Je pense que Paul a entendu des voix qui le poussaient à se suicider. Il disait "Ils veulent que je me suicide" » , affirme Jeannette.
Et ce récit ne s'arrête pas là. Car l'ouvrage de Jeannette, une fois le brouillon griffonné, a pris une tout autre tournure lorsqu'elle est parvenue à surmonter le poids de sa propre histoire. Une seconde partie témoignages lui vint, puisqu'elle est en contact avec d'autres familles touchées par cette maladie, une partie dédiée aux oeuvres de Paul, qui s'était essayé à bien des arts durant sa vie, et une dernière, explicative, documentée et pédagogique sur la schizophrénie. « Cette maladie mentale atteint les émotions, le comportement et la pensée. Par exemple, il était persuadé qu'on lui avait mis une puce dans le cerveau. Ses émotions étaient bridées par une léthargie permanente. Il était comme anesthésié ».
Puis parfois, c'est le comportement qui s'en trouve perturbé, comme lorsque l'on se retrouve à s'habiller chaud en été, ou à se balader nu. Le contact avec la réalité se perd. Encore faut-il le lire et le comprendre... « J'espère qu'avec ce livre, des parents se sentiront moins coupables. On ne va pas dire aux parents d'un malade du cancer qu'ils sont coupables pourquoi nous ? Ce livre n'est pas un livre de désespoir mais un ouvrage vers la vie. Des patients travaillent leur schizophrénie tous les jours, seulement 2/1000 sont dangereux. » Jeannette a été récemment contactée par une Québécoise qui souhaitait mettre son livre en valeur lors d'un salon. Le Québec, un endroit où des campagnes existent, sont médiatisées et sans tabou. La Suisse fait aussi partie de ces pays en avance, au point que la "Semaine de la santé mentale" permet au public de se mettre dans la peau d'un malade atteint de schizophrénie. Peut-être "Maman, j'ai commis un crime : je me suis tué" saura-t-il convaincre l'opinion qu'il n'y a aucune forme de fatalité ; la schizophrénie, comme toutes les maladies, se traite, se gère, se comprend.